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Le Saphir du Nord

ISBN : 978-2-312-03668-7 

Après une déception à la hauteur de ses erreurs, Céline, jeune et jolie jeune femme malgache, pensait avoir tout perdu. Sa rencontre inopinée à l’occasion du mariage d'une de ses amies, avec Damien jeune retraité vazaha, va complètement bouleverser sa vie. Malgré la malveillance et la perversité de son beau-frère à son égard, elle va se jeter à corps perdu à la conquête d’une ascension sociale. Un parcours semé d’embûches, de mésaventures et d‘un  soupçon de sorcellerie, va la conduire vers ses ambitions. L’abnégation dont font preuve ces jeunes femmes prêtes à de nombreux sacrifices pour arriver à leurs fins, est omniprésente dans cet ouvrage. Une aventure passionnante et plaisante à découvrir, où les intrigues et les surprises sont permanentes, tenant le lecteur en haleine.

Le Saphir du Nord : Premier Chapitre

 

Prologue

 

 

   Dans le précédent roman ( 1 ), Luis jeune retraité, même dans ses rêves les plus fous, n’avait jamais imaginé vivre une telle aventure faite à la fois de découvertes, de bonheur mais aussi d’inquiétude et de mystères.

    Par le hasard des nouvelles technologies, Luis fait la connaissance de Céline, une jolie et jeune femme malgache de vingt et un ans. Il débarque à Diego Suarez au nord de Madagascar, surnommée l’Île Rouge dont il ne connaît en fait, pas grand-chose.

   Le soleil, le ciel d’un bleu azur, les plages de sable blanc, une végétation luxuriante et l’amour semblent être les ingrédients parfaits de son petit coin de paradis imaginé pour une retraite méritée. Mais après un émerveillement et de multiples aventures, Luis se trouve confronté au choc des mentalités et des cultures.

 

    Albert, un vazaha beau-frère de Céline, instigateur de cette rencontre, s’avère très vite être un adversaire dangereux et démoniaque.

    Cherchant continuellement à dominer sa jeune sœur, Babette l’épouse d’Albert, navigue entre deux eaux, privilégiant toujours son intérêt personnel.

    Papa Céleste, l’oncle lointain de Céline, général dans la Gendarmerie et sa femme Volana tentent tant bien que mal de panser les plaies des uns et des autres au nom du Fihavanana (réconciliation).

     Ami de Luis, Cédric un ancien légionnaire aventureux et aventurier, amateur de femmes faciles, se laisse piéger par une jeune malgache mineure qui va le contraindre à regagner précipitamment la France.

    Lisa, la propriétaire du logement de Luis et Céline, s’adonne selon cette dernière, à la sorcellerie ; Céline est persuadée que Lisa lui a jeté un mauvais sort dont elle n’arrive pas à se défaire et qui va bouleverser sa vie.

 

    Dans un premier temps gentille et avenante, entraînant Luis dans un tourbillon de délices, Céline va se montrer rapidement, d’une jalousie excessive et maladive qui va rendre de plus en plus difficile la vie de son compagnon, hypothéquant la sérénité de son petit coin de paradis.

   Face aux multiples crises répétitives de Céline, tournant souvent à l’hystérie, Luis lâche prise et finit par la quitter, sans toutefois entamer son désir de rester sur l’Île Rouge pour y couler des jours heureux. Il laisse à Céline, une grande partie de son mobilier et décide de lui verser une compensation financière.

    Luis part à Tananarive, rejoindre Nina rencontrée quasiment en même temps que Céline, avec qui il avait gardé le contact. Nina était restée à son écoute tout au long de son périple, lui apportant son réconfort avec une saine réserve, attendant patiemment son heure.

 

    Céline désormais seule, emménage dans une petite maison de trois pièces où elle a réussi à caser le mobilier que Luis lui a laissé. Bizarrement, elle ne pense plus au suicide. Son ascension sociale dans laquelle Luis l’avait entraînée, ne peut pas s’arrêter là. À sa détermination, va se mêler une série d’évènements inattendus.

 

 ( 1 ) Cf. : La Fleur de l’Île Rouge, chez le même Éditeur.

 

 

 

Chapitre I : Poison

 

    Luis et son ami Fabrice retournèrent voir Robert quelques jours avant son départ pour Tananarive. Ils entrèrent dans la cour et se dirigèrent vers la porte d’entrée. Ils appelèrent Robert. Aucune réponse ; la porte était grand ouverte ; ils avancèrent vers le salon. Fabrice appela de nouveau.

    Robert surgit du canapé à demi-dévêtu un peu surpris de les voir là, devant lui. Sur le canapé se trouvait sa jeune belle-sœur complètement nue ! Elle s’était précipitamment recouverte de ses vêtements dans un geste de pudeur. Visiblement, ils n’étaient pas en train “ d’enfiler des perles ” ! Il se rajusta et les entraîna dehors, vers la terrasse. Il avait retrouvé ses esprits.

    Gêné mais souriant, il leur expliqua avoir une liaison avec sa belle-sœur. Sa femme Wendy avait fini par l’apprendre, et après une forte déception, elle avait toléré cette situation. Elle connaissait le penchant de son mari pour les jeunes femmes, et plutôt que de le voir aller ailleurs, elle acceptait cette relation, au moins cela ne sortait pas de la famille…

    Cette façon de réagir paraissait difficilement compréhensible aux yeux de Luis, mais les jeunes femmes mariées à un vazaha, étaient capables d’accepter beaucoup de choses pour ne pas perdre leur statut social auquel elles avaient accédé grâce aux euros de leur mari ! Tout comme elles étaient prêtes à écarter par tous les moyens, celles qui essayeraient de s’interposer entre elles et leur mari.

    Robert s’accommodait donc de cette situation particulière qui durait depuis plus de six mois, dans la mesure où il y retrouvait son compte. Face aux humeurs souvent inconstantes de sa femme, il compensait cela avec la toute jeunesse de sa belle-sœur. Cela ne l’empêchait pas de faire quelques écarts, au gré de ses rencontres ; eh, oui !, papillon qui butine, oblige !

Luis revint à l’objet de leur visite, son départ pour Tananarive et la proposition que Robert lui avait faite de partager son voyage  avec son 4x4. Il lui dit qu’il souhaitait partir dès la semaine suivante. Robert lui demanda quelques jours de réflexion afin de régler les derniers détails de son voyage, deux autres copains devant se joindre à eux. Luis et Fabrice prirent congé de Robert.

    Robert était à Madagascar depuis sept ans ; il avait d’abord vécu à l’île Sainte-Marie. Il s’était plus ou moins associé avec Bernard, un de ses amis, hôtelier-restaurateur. En fin de compte, il l’avait surtout dépanné financièrement alors qu’il traversait une mauvaise passe. En compensation, Bernard lui avait cédé une parcelle de terrain attenante au restaurant, sur laquelle Robert avait fini par construire une maison de quatre pièces. Mais aucun papier officiel n’avait été fait. Il s’agissait d’un accord verbal et amiable.

    De plus Robert donnait un coup de main en s’occupant de travaux d’entretien technique de l’hôtel ; en France, il avait une entreprise de plomberie-zinguerie qu’il avait vendue au moment de prendre sa retraite. Il s’adonnait également à une activité d’organisateur d’excursions, ce qui lui assurait un revenu complémentaire à sa retraite. Robert partageait sa vie, avec une jeune femme malgache qui travaillait comme serveuse dans le restaurant de Bernard.

    Au moment du coup d’état de 2009, les affaires devenant difficiles, les clients avaient fui l’île de Madagascar. Face à de nouvelles et graves difficultés financières, Bernard décida de chercher à vendre son hôtel. Il le proposa à Robert qui déclina l’offre ; il ne disposait pas de la somme demandée.

   Un jour, Bernard lui présenta le repreneur de son affaire, un français qui venait de s’installer à Sainte-Marie. Ensemble ils firent le tour de la propriété. À un certain moment, ils se trouvèrent face à la maison de Robert. L’acquéreur demanda à Bernard, si cette maison était son logement de fonction. Il expliqua dans quelles conditions, cette maison avait été construite par Robert.

    L’acheteur se montra intraitable ; la maison étant construite sur le terrain de la propriété, cette construction faisait partie prenante de la transaction ; de ce fait, il donnait un mois à Robert pour quitter les lieux.

   Robert accusa le coup et se dit qu’il allait faire valoir ses droits. Il rappela à Bernard ses engagements et ses promesses ; mais ce furent de vaines paroles. Ce dernier pour ne pas louper la vente, se rangea à la demande de l’acheteur. Malgré maintes démarches, face à la législation malgache, Robert ne put que constater son impuissance. Un bien immobilier appartient au propriétaire de la parcelle de terrain sur laquelle il est construit. Il demanda à Bernard de l’indemniser, en pure perte ; ce dernier refusa catégoriquement ! Ah, la belle amitié ! Robert venait de perdre plus de quatre-vingt mille euros, pour avoir fait confiance à son ami, enfin c’est ce qu’il pensait être pour lui.

   Il se raisonna pour ne pas commettre l’irréparable et de se trouver dans une situation encore pire. Il dut accepter de s’être fait roulé et décida de quitter Sainte-Marie, pour se rendre à Diego Suarez où il avait quelques connaissances.

   Bien sûr, Robert se retrouvant démuni, sa compagne du moment le laissa tomber. Ce n’était pas un souci pour lui, car c’était ce qu’on appelle “un vazaha papillonneur” ! Il aimait butiner de jeune fleur en jeune fleur ! C’est ainsi qu’il s’était retrouvé à faire la connaissance de Wendy et qu’après trois ans de vie commune avec elle, ils avaient décidés de se marier, en gardant toutefois une certaine liberté, plus ou moins consentie par sa femme.

   D’ailleurs deux semaines après son mariage, alors que sa femme était partie quelques jours dans sa famille à Finarantsoa, Luis rencontra Robert, au cabaret chez Maxime accompagné de trois jeunes femmes, avec lesquelles il ne s’ennuyait visiblement pas ! Fabrice lui avait également raconté, qu’il venait assez souvent prendre une chambre à l’hôtel où il résidait, en compagnie de différentes jeunes femmes.

    En fin de compte, il sautait un peu sur tout ce qui bougeait. Ce qui amena Robert à une situation un peu cocasse, lors d’un séjour à Tananarive où il s’était rendu pour l’organisation d’une excursion. Il avait passé une partie de la soirée au cabaret le Glacier avec un ami et en compagnie de deux jeunes femmes locales ; repas, musique salegy et THB avaient ponctué la préparation de la dite sortie. Un peu fatigué par le voyage en 4x4 depuis Diego et devant se lever tôt le lendemain, il prit congé de son ami et des deux jeunes femmes. Il monta à sa chambre qui se trouvait dans l’hôtel attenant au cabaret.

    À peine eut-il fermé la porte, qu’il entendit frapper. Il pensa que son ami avait oublié de lui parler de quelque chose pour l’organisation du lendemain ; il lui dit d’entrer. À sa grande surprise, la porte s’ouvrit sur les deux charmantes jeunes filles qui avaient partagé leur repas.

    - Que faites-vous là ? dit Robert.

    - Bonsoir mon chéri, on vient te tenir compagnie ! dit l’une d’elles.

    - Mais qui vous a laissé monter ? Le gardien ne doit laisser passer personne.

    - On te suivait, alors on lui a dit qu’on était avec toi, dit l’autre avec aplomb.

   Et pendant qu’elles continuaient à discuter, elles commencèrent à se dévêtir, pour se retrouver en petite tenue.

    - Ecoutez les filles, vous êtes mignonnes, mais je ne vous ai rien demandé, alors sortez de ma chambre, dit Robert en souriant.

    - Mais mon chou, tu vas voir on va bien s’amuser, on te fait tout ce que tu veux, dirent-elles, en se frottant à lui et en se caressant entre elles.

   - Maintenant, ça suffit, rhabillez-vous et tirez-vous avant que je ne me fâche et que j’appelle le gardien, dit Robert visiblement énervé par la situation.

    En d’autres circonstances, il aurait certainement était ravi de cette expérience, mais ce n’était pas le jour, et puis ces deux rencontres ne lui inspiraient pas confiance. Les jeunes femmes continuèrent à le haranguer, et à prendre des poses provocatrices. Il eut bien du mal à les faire se rhabiller et les faire sortir de la chambre. Elles étaient devenues plus agressives et beaucoup moins agréables. Il réussit néanmoins à obtenir qu’elles s’en aillent non sans avoir été arrosé de noms d’oiseaux de leur part. Après coup, cet incident l’amusa, mais en y repensant bien il était peut-être passé à côté d’une agression, surtout qu’elles étaient deux et visiblement hardies…

    Il n’oublia pas le lendemain matin, de faire une remontrance assez sévère au gardien qui le connaissait bien, pour venir dans cet hôtel à chacun de ses séjours à Tananarive.

 

    Une semaine après leur visite à Robert, en soirée, Luis retrouva Fabrice attablé devant son immuable bouteille d’eau Cristal.

    - Robert sort tout juste d’ici, dit Fabrice. Il est venu me dire que c’était trop tôt pour partir à Tana et qu’il reportait le voyage de quelques semaines.

   - Ce n’est pas grave, répondit Luis. Maintenant que tout est en ordre, je vais prendre l’avion, cela sera plus rapide.

    - Par contre, il vient de m’en raconter une belle, tu ne vas pas me croire !

    - Qu’est-ce qui se passe ? demanda Luis.

    - Quelque chose de complètement dingue, sa jeune belle-sœur a essayé d’empoisonner sa femme Wendy !

    - Non, c’est une blague ! S’exclama Luis.

    - Je t’ai dit que tu n’allais pas me croire, reprit Fabrice.

    - Et comment c’est arrivé ?

    Fabrice commença à expliquer ce qu’il s’était passé trois jours plus tôt chez Robert.

    Après la sieste, les deux sœurs avaient l’habitude de prendre le thé ensemble dans la salle à manger. Robert, lui était sorti voir un copain. Ce copain s’étant absenté de chez lui, il avait décidé de rentrer à la maison. Il trouva les deux sœurs attablées devant des douceurs et deux tasses de thé. Il n’avait pas l’habitude de boire ce breuvage, sa préférence allant vers la THB, mais la bonne odeur dégagée par le thé, fit que machinalement il prit la tasse de Wendy pour la porter à ses lèvres.

    Prisca se jeta sur Robert pour d’un revers de main faire tomber la tasse et son contenu.

    - Ne bois pas cela malheureux ! cria-t-elle.

    - Mais tu es folle, dit Robert, qu’est-ce qui te prend ?

   - C’est du poison, lâcha-t-elle dans l’affolement, puis resta bouche bée en regardant sa sœur.

  - Tu es complètement cinglée, qu’est-ce que tu voulais faire, empoisonner ta sœur Wendy ? Tonitrua Robert en la prenant par le poignet.

    Wendy se jeta sur Prisca ; s’en suivit une bagarre entre les deux sœurs que Robert eut bien grand mal à contenir, bagarre mêlée de cris, d’insultes et de pleurs de part et d’autre. Il réussit tant bien que mal à les séparer.

    Face à la valse de questions de Robert et de Wendy, Prisca entra d’abord dans un mutisme complet, puis elle éclata en sanglots entrecoupés de phrases plus ou moins compréhensibles où elle parlait d’amour, de jalousie, d’argent, de vengeance. Wendy était complètement abattue par le comportement de sa sœur, elle reprocha à Robert par sa relation, d’avoir favorisé cette situation et l’acte odieux qu’elle avait voulu commettre. S’il n’avait pas donné une lueur d’espoir à Prisca, elle n’aurait certainement pas agi ainsi. Robert lui assura que c’était sa sœur qui l’avait provoqué, et qu’il n’était pas de bois. Cependant il ne lui avait jamais rien promis. Pourtant, il n’aurait au grand jamais, pensé qu’elle fut capable d’une telle action.

    Après avoir repris ses esprits, Prisca s’expliqua avec un certain cynisme qui les déconcerta tous les deux. Depuis qu’elle entretenait une relation avec Robert, Prisca était devenue jalouse de sa sœur Wendy. Elle s’était mise dans la tête de le garder pour elle toute seule, ne pouvant plus supporter de le partager avec sa sœur et de ne pas pouvoir profiter pleinement du bon côté financier de leur relation.

   Au fil des étreintes avec son amant, dans sa petite tête avait germé l’idée de se débarrasser de sa sœur ! Cela paraissait incroyable, mais sa propre sœur était devenue sa pire ennemie.

    À l’école déjà, lorsqu’elle était encore à Finarantsoa, Prisca avait eu des discussions à ce sujet avec ses amies. Dans leurs entourage, certaines avaient eu connaissance de ce genre de situation ; elles disaient qu’il était facile de payer un voyou pour faire disparaître la personne désirée (pour un million de FMG, environ quatre-vingt euros, les candidats se bousculaient), d’autres parlaient de poison, c’était moins violent mais aussi efficace.

     Elle ne voulait pas utiliser la main vengeresse d’une tierce personne, elle s’en chargerait elle-même ; le poison lui sembla la solution la mieux adaptée et la plus accessible. Aussi dès qu’elle aurait l’occasion d’être seule avec elle, Prisca avait décidé de verser une dose de poison dans son thé. Elle s’était procuré une fiole d’un violent poison au bazar ; cela avait été d’ailleurs relativement facile à obtenir.

    Robert et Wendy n’en croyaient pas leurs oreilles ! Comment cette si gentille et si serviable petite sœur avait-elle pu en arriver à de telles extrémités et essayer de passer à l’acte ? Avait-elle mesuré les graves conséquences de ce qu’elle allait entreprendre ? Certainement pas, elle était aveuglée par son idée obsessionnelle de prendre le mari de sa sœur quoiqu’il lui en coûte.

     Ils continuaient de l’écouter toujours abasourdis, quand Prisca s’était levée et en un éclair, elle était sortie de la maison. Le temps que Robert et Wendy réagissent, elle avait sauté sur le vélo qui se trouvait dans la cour et s’était volatilisée en direction du fond du quartier de la Scama. Elle s’enfuyait par les sentiers qui s’enfoncent dans le terrain vague menant à la route de Namakia. Elle essaierait peut-être ensuite de regagner le centre-ville.

 

    Elle n’irait sûrement pas bien loin, pensaient Robert et Wendy, aussi montèrent-ils dans leur 4x4 pour aller à sa recherche. Ils partirent dans cette direction en passant par le gymnase. Ils se dirigèrent ensuite en direction de l’usine de la Star, surveillant les bas-côtés et les chemins, mais ne virent pas Prisca. Arrivés à hauteur de l’usine, ils firent demi-tour pour aller vers le centre-ville, mais toujours rien. Wendy suggéra de se rendre au Commissariat Central. Robert n’aimait guère, car il devra dévoiler certains aspects de leur vie personnelle, mais il n’avait pas le choix. Ils décidèrent de signaler la fuite de Prisca liée à sa tentative d’empoisonnement de sa sœur.

   Le Commissaire Principal qui les reçut au premier étage du bâtiment de la Sécurité Intérieure, essaya de les calmer et de temporiser ; il ne croyait pas trop à leur histoire. Cela aiguisa encore la défiance de Robert envers la Police malgache.

    À contrecœur et avec une certaine honte, Wendy finit par raconter le fonds de l’histoire. Après avoir écouté le récit des faits, le Commissaire accepta d’enregistrer une plainte pour tentative d’empoisonnement, non sans avoir expliqué à Wendy, les conséquences de cette plainte, c’est-à-dire l’interpellation de sa sœur et son éventuel déferrement au Parquet pour répondre de son acte. Il lui demanda, comme c’est la procédure, de faire une demande de dépôt de plainte sur papier libre, adressée au Commissaire Central, avant de l’auditionner et d’enregistrer la plainte.

   Robert dut aller chercher du papier à machine dans une boutique proche du Commissariat ; c’était au plaignant de fournir le papier de la demande et du procès-verbal ! Restrictions budgétaires obligent ! Après que Robert eût rédigé la demande en tentant d’expliquer au mieux les évènements, le Commissaire commença à taper sur sa machine à écrire des années soixante, vestige de l’administration coloniale ! Il n’avait pas la dextérité d’une dactylo, mais avec cinq à six doigts, il s’en tirait plutôt pas mal !

   Une fois le procès-verbal rédigé, il leur demanda s’ils souhaitaient vraiment signer leur déposition et engager la procédure.  Après s’être concertés, Robert et Wendy acquiescèrent. Le Commissaire leur expliqua que dès qu’il la retrouverait, il les appellerait pour les confronter à Prisca, bien sûr après avoir pris sa déposition et sa version des faits. Ils laissèrent leur numéro de téléphone et quittèrent le Commissariat.   

   Le lendemain en fin de journée, affamée et fatiguée, Prisca réapparut à la maison. Elle avait passé la nuit et la journée chez une amie de rencontre. Cette dernière l’avait persuadée de rentrer chez elle et de tenter de s’excuser auprès de sa sœur.

Entre soulagement et colère, Wendy ne put s’empêcher de sauter sur elle et de lui administrer une correction ; Robert dut les séparer craignant que cela ne dégénère. Comme elle était revenue de son plein gré, il appela le Commissaire pour lui en faire part et lui demanda s’il pouvait les recevoir bien qu’il fût un peu tard. Il accepta à condition que cela soit tout de suite.

    Ils se rendirent tous les trois au Commissariat de Police. Le Commissaire leur expliqua qu’il allait l’auditionner d’abord seule, puis qu’il les confronterait et qu’à l’issue de l’entretien, il serait contraint de mettre  Prisca en garde à vue.

    Wendy demanda s’il n’y avait pas un autre moyen de solutionner le problème, car après en avoir longuement discuté avec son mari Robert, elle ne souhaitait pas voir sa sœur aller en prison. Le Commissaire les regarda dubitatif, décidemment dans ce métier, il devait s’attendre à tout et son contraire ! Il fallait quand même que Prisca comprenne avoir commis un acte vil et répréhensible !

   Wendy insista ; le Commissaire lui expliqua qu’elle pouvait retirer sa plainte, mais lui conseilla de redéposer une plainte réserve qu’il conserverait de par lui, au cas où quelque chose de grave ne se reproduise. De plus Prisca devrait lui indiquer l’endroit où elle s’était procuré le poison.

   Wendy accepta cette solution et assura au Commissaire que le lendemain même, elle conduirait sa sœur chez ses parents à Finarantsoa. Ils se chargeraient de la surveiller et de lui faire amèrement regretter son geste. Le Commissaire enregistra la déposition de Prisca et la plainte réserve de Wendy, puis il les laissa partir.

    Chose dite, chose faite ; le lendemain elles prirent toutes les deux le premier taxi-brousse en partance pour Finarantsoa via Tananarive. Le plus dur était à venir, expliquer et essayer de faire comprendre à la famille, le geste de Prisca sans pour autant lui pardonner.

    Depuis les sept années que Robert vivait à Madagascar, il avait vu beaucoup de choses et des faits hors normes, mais là, il avait visiblement été affecté : qui sait si une fois l’acte commis, cela ne se serait pas retourné contre lui ? Prisca aurait très bien pu dire qu’il avait commandité cet acte ! Rétrospectivement il avait eu quelques frissons. Bien que cela ne le guérisse pas de son appétit d’aventures féminines, à l’avenir il essaierait d’être plus méfiant !

 

    Luis était perplexe et se demandait comment un tel acte avait pu se produire au sein d’une famille ? La cupidité et la jalousie ne pouvaient quand même pas engendrer autant de haine envers un être proche. Il est vrai que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, mais tout de même ! La pauvreté et le dénuement dans lequel vit une majorité de la population malgache, pourraient peut-être apporter un début d’explication, mais certainement pas une excuse !

    Fabrice était de son avis ; il pensait d’ailleurs que tous les ingrédients étaient réunis pour qu’un tel drame prenne naissance : l’inconscience et la désinvolture de Robert, le laisser-faire de Wendy, la jeunesse écervelée de Prisca, le contexte économique et social, l’argent convoité du vazaha ! Il n’en fallait pas plus en ce bas monde pour que certaines personnes franchissent la ligne rouge et se retrouvent dans des situations explosives !

 

    Maintenant qu’il avait résolu le problème de Céline, Luis n’avait plus rien à faire à Diego. Le surlendemain Fabrice le conduisit à l’aéroport d’Arrachart. Il partit à Tananarive, retrouver Nina avec l’objectif de jeter les bases solides d’une complicité de tous les instants. Face à la patience, à la résignation et la grande compréhension dont elle avait fait preuve, il était persuadé que son petit coin de paradis était enfin à sa portée…

 

 

 

La Fleur de l'Ile Rouge

ISBN : 978-2-312-03271-9

 

 

Même dans ses rêves les plus fous, Luis n’aurait jamais imaginé vivre une telle aventure faite à la fois de découvertes, de bonheur mais aussi d’inquiétude et de mystères.

Par le hasard des nouvelles technologies, Luis débarque  à Madagascar, surnommée l’Île Rouge dont il ne connaît en fait, pas grand-chose. Le soleil, les plages de sable blanc, une végétation luxuriante et l’amour semblent être les ingrédients parfaits de son petit coin de paradis imaginé pour des vacances sans fin.

Mais que lui cache ce paradis tant convoité ? D’abord un émerveillement, puis Luis se trouve confronté au choc des mentalités et des cultures, à la richesse de cette terre et la misère de ses habitants qui cherchent à tout prix à s’élever socialement.

Luis arrivera-t-il à gérer toutes ces contradictions et s’en accommoder ?

 

Un roman palpitant à rebondissements qui ne peut nous laisser indifférent et qui nous transporte vers cette île lointaine et méconnue dont rêvent tant de français. 

 

        La Fleur de l'Ile Rouge : Premier Chapitre 

 

I : Rupture

 

 

    En ce début de matinée de la mi-mai 2011, la chaleur se faisait déjà sentir dans le nord de l’Ile Rouge, nom donné à Madagascar à cause de la couleur de la latérite, sol rougeâtre qui recouvre une grande partie de l’île.

De la terrasse ensoleillée de l’hôtel où il s’était installé pour prendre son petit déjeuner, Luis contemplait une partie de la baie de Diego Suarez. Le promontoire sur lequel se trouvait édifié l’Hôpital Be, s’avançait dans la mer semblant vouloir sortir par la passe qui mène à la mer d’Emeraude. Le varatraza (vent alizé) poussait les vagues sur la côte escarpée. Entre l’hôtel et la mer, des cocotiers et des manguiers rehaussaient de leur verdure, le bleu du ciel et de la mer. Le calme matinal était entrecoupé de quelques cris d’enfants se rendant à l’école.

    Luis rêveur, savourait ce moment de tranquillité paisible; le temps semblait s’être arrêté. Comme il se l’était si souvent imaginé, le paradis de l’Ile Rouge était là à portée de main : soleil, nonchalance, calme, sérénité, oubli des rythmes de travail effrénés, oubli du stress…

     Mais son téléphone portable se mit à sonner, le ramenant à la dure réalité : son petit coin de paradis tant espéré avait failli se transformer en enfer ! La compagne qu’il venait de quitter, essayait de le joindre à nouveau; il ne décrocha pas. Il la rappellerait un peu plus tard. Luis avait pris une décision difficile mais réfléchie. Cette rupture il ne l’avait pas souhaitée ; Céline l’y avait poussé petit à petit, mettant à mal sa patience et sa gentillesse.

    Pourtant, il se demandait comment les choses avaient pu en arriver à cette extrémité. Tout avait si bien commencé : images de cartes postales, douceur, gentillesse, fraîcheur de la jeunesse, amour. Sur cette même terrasse, une semaine plus tôt, il avait mis fin à une relation tumultueuse qui avait duré près d’un an et demi. Six mois de vrai bonheur et neuf mois d’une escalade annoncée vers l’enfer.

Ce n’était pourtant pas ce qu’il était venu chercher à Madagascar ; il souhaitait trouver calme, tranquillité, sérénité, gentillesse, attention et pourquoi pas l’amour ? Mais imagination et rêve ont souvent le don de jouer un mauvais tour à la réalité. Luis allait l’apprendre à ses dépens.

     Trois semaines auparavant, Luis avait quitté son domicile, une coquette maison de quatre pièces entièrement meublée par ses soins, sur la route de l’Université, face au Pain de Sucre. Il n’avait emmené que quelques vêtements dans un sac de voyage, ses papiers personnels regroupés dans une dizaine de chemises cartonnées, son ordinateur portable et une imprimante, le tout fixé sur la selle arrière et dans le coffre à bagages de sa moto France Rider 125cc. Vers neuf heures trente, Céline se trouvant au cours de code de la route, Luis avait profité de son absence pour partir en catimini. Il avait laissé un simple mot d’explication griffonné sur une page de cahier, justifiant son départ, ainsi qu’une somme d’argent pour qu’elle puisse faire face aux dépenses d’une quinzaine de jours.

     Ce n’était pas par lâcheté qu’il avait agi ainsi, mais pour éviter une énième scène de ménage rehaussée d’une crise d’hystérie ! Il lui expliquait qu’il ne pouvait plus supporter la situation et qu’il préférait partir sur les environs d’Ambanja pendant quelque temps, pour se retrouver seul dans le calme.

Mais discrètement, il était allé se réfugier à l’hôtel où se trouvait son ami Fabrice, pensant y être à l’abri. L’hôtel était un peu retiré du centre-ville et proche du Consulat Français. Dans quelques jours, il partirait sur Tananarive retrouver son amie Nina, pour prendre un peu de recul et décider de la suite des évènements. C’était sans compter sur l’intuition féminine !

 

   Vers quatorze heures, il décida de se rendre en taxi took-took (tricycle motorisé Bajaj), à l’agence d’Air Madagascar pour se renseigner sur les vols en partance pour Tananarive. À peine eut-il quitté l’hôtel qu’il tomba face à face avec Céline et sa nièce Marianne qui marchaient en direction de l’hôtel ! Elle venait de le reconnaître et se mit à courir après le taxi !

    « File, file ! Prends à droite ! dit Luis au chauffeur. 

    - Qu’est-ce qui se passe ? dit-il.

    - A gauche maintenant, en direction de l’hôtel de ville. »

    Céline n’était plus en vue, à pied elle ne pouvait pas les rattraper.

    « Un voleur te courre après ? demanda le taximan.

    - Non, c’est pire, une femme ! Bon, laisse-moi là ! »

   Luis paya le taxi. Après réflexion, il entreprit de retourner à pied à l’hôtel, et d’affronter à coup sûr la présence de Céline ! À peine avait-il franchi l’entrée de la cour de l’hôtel, qu’il les aperçut toutes les deux devant sa moto France Rider. 

   « Qu’est-ce que tu fais là ? demanda Céline, visiblement en colère. Je te croyais en route pour Ambanja !

   - Eh ! Non tu vois ; et toi, tu n’as rien à faire ici. Je t’ai demandé de me laisser tranquille ; alors va-t’en, s’il te plait.

    - Explique-moi d’abord ! dit-elle. »

    Luis se dirigea vers l’escalier qui mène à la réception. Céline lui emboîta le pas.

    « Allez, laisse-moi tranquille ! dit Luis.

    - Pourquoi tu fais ça, je t’aime, reviens à la maison, dit Céline, la voix entrecoupée de sanglots. »

    La patronne de l’hôtel et sa réceptionniste étaient en haut de l’escalier, médusées ne sachant que faire ni que dire.

    « Tu vois que tu déranges, tu es dans un hôtel, tu ne vas pas faire un scandale ici ? Si tu ne pars pas on va devoir appeler la police, dit Luis.

    - Ce n’est pas moi qui vais aller en prison, j’appelle Papa ! dit-elle. »

    Papa de son prénom Céleste, était un cousin éloigné de son père qui occupait un poste important dans la Gendarmerie à Tananarive, où il avait le grade de Général. N’ayant eu que des fils, deux en l’occurrence, au fil du temps il s’était pris d’affection pour les deux jeunes femmes qu’il considérait comme ses filles.

Luis et Céline étaient redescendus dans la cour de l’hôtel.

Entre cris et larmes, Céline s’adressait à Céleste qui ne devait comprendre mot. Après quelques minutes elle dit en tendant son téléphone portable à Luis :

    « Tiens ! Papa veut te parler !

   - Si tu veux, je l’ai déjà un peu mis au courant lors de notre dernière entrevue, dit Luis. »

    Luis lui développa en quelques phrases la situation du moment, et ils convinrent de se rappeler dans l’après-midi quand le calme serait revenu, car visiblement Céleste se sentait embarrassé.

   « Bon, ça y est, on a parlé; que veux-tu qu’il y fasse, ce n’est pas son problème. Maintenant, tu te calmes et tu rentres à la maison. Moi du coup, je vais partir chez ma fille, à Mayotte après-demain et je rentre dans une dizaine de jours, d’accord ? »

Entre deux sanglots, elle acquiesça.

   « Par contre, pendant mon séjour tu me laisses tranquille, pas d’appel, pas de SMS, d’accord ?

    - D’accord mon chéri, dit-elle, tu demanderas pardon à ta fille pour le mal que j’ai fait à son Papa, tu sais que je l’aime beaucoup.

    - Je rentrerai dans une dizaine de jours, répéta Luis.

    - C’est d’accord, je te laisse tranquille, jusqu’à ton retour, mais soit prudent. »

   Sur ces mots, résignée Céline s’en alla accompagnée par sa nièce. Luis se sentit soulagé. Il avait craint le pire, mais il était sûr qu’elle s’était retenue, semblant encore garder l’espoir de le voir revenir dans leur maison.

     En fin de compte, une amie de Céline l’avait appelée pour lui dire qu’elle avait vu Luis en ville avec sa moto chargée comme un mulet. Diego compte environ cent-dix mille habitants, mais le centre est un petit bourg où nul ne peut se déplacer sans être vu par quelqu’un. La rue Colbert, la rue Lafayette, la rue Tollendal, l’avenue de l’Ankarana, la place de l’Indépendance, le Bazarkely sont des passages obligés !

     Céline s’était aussitôt mise à la recherche de Luis. Son intuition avait fait le reste, la conduisant vers l’hôtel où logeait leur ami Fabrice. Heureusement qu’il n’était pas présent, car il n’aurait pas du tout apprécié cette situation et il aurait certainement remis Céline à sa place.

   Luis décida d’aller au plus tôt à Air Madagascar, pour réserver un billet pour Tananarive. Il y avait une place de disponible pour le lendemain, avec retour le cinq juin. Il valida le billet. À son retour à l’hôtel, il appela Nina pour lui faire part des derniers évènements, et la prévenir qu’il arrivait le lendemain. Il avait réservé une chambre d’hôtel pour une dizaine de jours dans un hôtel, avenue de l’Indépendance au centre de Tananarive. Nina fut un peu surprise de la décision soudaine que Luis avait prise et surtout amusée par le récit de la course de Céline après le taxi ! Mais il lui raconterait en détail dès son arrivée.

    Trois heures après cet évènement, Fabrice revenait d’une excursion ; Luis lui résuma la situation, car il n’avait pu le joindre au téléphone depuis son arrivée à l’hôtel. Il fut surpris des évènements et furieux que Céline soit venue faire du scandale dans ces lieux.

Il est vrai que Luis n’avait parlé de ses problèmes personnels à aucun de ses amis, parce qu’il n’aimait pas étaler sa vie privée; seules deux personnes étaient au courant : Françoise la sœur de Céline, et son amie Nina. Sa sœur, par ce qu’ils étaient assez proches et qu’elle s’était vite rendu compte qu’il y avait un problème entre eux. Mais c’est surtout Nina qui était au courant de leurs soucis et de l’évolution de la situation ; elle lui avait servi de confidente et lui avait à maintes reprises remonté le moral. Elle avait su l’écouter avec beaucoup de patience et de compassion.

    Depuis près d’une année, Luis était tiraillé entre deux situations, l’une inextricable avec Céline et l’autre inexplicable avec Nina ! Il ne pouvait décemment plus vivre de cette façon dans le mensonge permanent avec Céline ; de son côté, par amour Nina acceptait cette situation avec beaucoup d’intelligence et de patience. Personne n’était au courant de leur relation. Elle attendait sereinement que les choses évoluent en sa faveur sans faire de pression sur Luis, persuadée qu’un jour ou l’autre il viendrait vers elle ! Il trouvait cela difficilement compréhensible et lui avait demandé pourquoi elle l’acceptait.

      « Par ce que je t’aime ! lui avait-elle répondu. »

   L’amour de Luis pour Céline, se délitait petit à petit à mesure de sa jalousie grandissante et des disputes incessantes, tandis que celui pour Nina ne faisait que s’intensifier ! Mais Céline ne devait surtout rien apprendre de cette relation, car dans son for intérieur, Luis ne la quittait pas par ce qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre, mais pour le mal qu’elle lui faisait ; ses crises de jalousie mêlées d’hystérie n’étaient plus supportables.

 

   Le lendemain Fabrice l’accompagna à l’aéroport de Diego. Il prit l’avion pour Tananarive où bien sûr il allait séjourner en compagnie de Nina. Le voyage à Mayotte n’était qu’un prétexte pour rassurer momentanément et calmer Céline.

    À treize heures cinquante le Boeing 730 d’Air Madagascar se posait sur l’aéroport d’Ivato. Luis appela Nina pour la tenir informée de son arrivée et pour qu’elle vienne le rejoindre à l’hôtel où il avait réservé une chambre sur l’avenue de l’Indépendance.

     Dès sa sortie de l’aéroport, comme d’habitude une nuée de rabatteurs de taxis l’avait entouré. Il les écarta de la main, car son chauffeur de taxi habituel devait l’attendre sur le parking. Effectivement il était là. Ils mirent les bagages dans le coffre et partirent en direction de Tananarive ; une vingtaine de kilomètres à parcourir au milieu des embouteillages permanents sur cette route étroite et jalonnée de petits commerces et de marchés à ciel ouvert. Au moins une heure trente de trajet, voire deux !

    Les taxi-be (bus de vingt à vingt-cinq places, généralement de marque Mercédès série 200 ou 300, voire Sprinter, très souvent en mauvais état, mais transportant plus de trente-cinq à quarante personnes) encombraient cet axe, le seul reliant l’aéroport d’Ivato à Tananarive. Les chauffeurs s’arrêtaient un peu n’importe comment aux arrêts de bus, aggravant les embouteillages ; ils ne respectaient généralement aucune règle du code de la route et encore moins les autres usagers, qu’ils fussent automobilistes ou motards. La plupart d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds dans une auto-école digne de ce nom ; leur permis était bien souvent tombé du ciel, grâce au bon vouloir et aux pots-de-vin versés par leur employeur à des personnes avides d’arrondir leur maigre salaire de fonctionnaire!

   Pendant le trajet, ils échangèrent quelques banalités sur le temps et sur la vie quotidienne. Il faisait encore chaud en ce mois de mai et les gaz d’échappement augmentaient cette impression de suffoquer. Plus ils se rapprochaient du centre-ville, plus l’air devenait irrespirable, la chaleur du goudron de la chaussée aidant.

     Près de deux heures plus tard, ils arrivèrent enfin avenue de l’Indépendance après être passé par le goulet de la place Ambiky qui menait aux commerces de Behoririka. Cet endroit grouillait de monde telle une fourmilière ; sur les trottoirs de nombreux commerçants informels s’étaient installés repoussant les piétons sur la chaussée qui allaient de droite ou de gauche, bien souvent sans regarder et au mépris de leur sécurité, rendant la circulation automobile très difficile.

    Devant la gare de Soarano, les étals de vendeurs de bibelots et les kiosques de vendeurs de crédits de téléphone étaient à touche-touche. De l’autre côté de la rue devant la banque BOA et l’hôtel la Muraille de Chine, des chasseurs proposaient du change à la sauvette, espérant profiter du vazaha de passage. Ils offraient dix à quinze pour cent de mieux que le change officiel, mais finalement quand le chaland recomptait ses billets, il n’y avait jamais le compte, perdant ainsi vingt à vingt-cinq pour cent de la somme échangée. Le temps qu’il s’en rende compte, le chasseur avait déjà disparu dans la foule… et comme ce genre de change dans la rue était interdit, c’était peine perdue de vouloir se plaindre à une quelconque autorité !

     Sous les arcades de l’avenue de l’Indépendance des vendeurs informels recouvraient la moitié de l’espace pour continuer à s’étaler sur les contrallées où il était difficile de circuler même à pied, tellement ils étaient nombreux. Ils vendaient toute sorte de petit matériel électroménager de cuisine, ainsi que du matériel électrique au premier abord bon marché, mais qui au final, s’avérait être beaucoup plus cher qu’en boutique ! Des vendeurs de crédit de téléphone ainsi que d’accessoires de téléphones portables, de ceintures en cuir, de DVD piratés se mêlaient à eux.

    Le chauffeur de taxi se gara tant bien que mal, devant l’hôtel où Luis avait réservé une chambre. À peine descendu, Luis fut assailli par une nuée de vendeurs à la sauvette. Pour s’en défaire, sans engager la discussion, il pénétra rapidement dans l’hôtel. Le chauffeur de taxi se chargea de ses bagages qu’il déposa à la réception ; Luis lui régla les deux cent mille FMG -francs malgaches-(seize euros) pour le trajet.

Nina l’attendait dans le hall d’entrée, elle était heureuse de revoir Luis. Une chaleureuse embrassade les réunit. Après les formalités d’usage, ils prirent possession de leur chambre au premier étage. La chambre était tout à fait correcte pour un hôtel trois étoiles, claire et spacieuse avec une belle salle de bain.

     Luis passa dix jours avec Nina au cours desquels il lui expliqua sa décision de quitter enfin Céline et de la façon dont cela s’était produit. Dans la journée Nina assistait à ses cours à l’Université. Le reste du temps, ils l’employèrent entre les repas au restaurant, les promenades le week-end, les visites des boutiques du quartier de Behoririka où ils firent quelques achats de vêtements. Ils se sentaient bien ensemble.

     Luis prit la décision de venir habiter Tananarive, pour se rapprocher de Nina ; cette dernière n’était pas très enthousiaste pensant que cela perturberait ses études auxquelles elle se donnait à fond. Elle avait peur qu’une relation assidue ne la déconcentre et ne l’écarte de son objectif : obtenir son master. Luis la rassura en lui promettant de se faire tout petit, et d’être le plus effacé possible. Bon gré mal gré, elle accepta cette résolution.

    Le temps passa si vite que le moment de repartir  pour Diego était venu. Luis rentrait pour régler ses affaires, surtout sa séparation d’avec Céline qu’il souhaitait faire en douceur, puis organiser le transport vers Tananarive de sa moto, de ses effets personnels et des quelques meubles qu’il allait conserver. Il regagna l’aéroport d’Ivato.

 

Paradis Fatal

ISBN ; 978-2-312-03976-3

 

Qui n’a pas rêvé un jour, de tout plaquer et de partir pour une vie paradisiaque sous les tropiques ? Encore faut-il en avoir le courage ! Malgré le désaveu de sa famille et de ses proches, Arnaud cinquante et un ans, l’a fait ! Il liquide ses affaires et quitte son petit village du Jura, muni d’un pactole très confortable, il s’envole alors pour l’île de Madagascar. Il se marie à une charmante femme malgache et commence une nouvelle vie sans contraintes. Mais, c’était sans compter sur l’esprit diabolique qui anime sa nouvelle famille et qui va l’entraîner vers une voie sans issue…

 

   Paradis Fatal : Premier Chapitre 

 

I - L’inquiétude

 

    Annie n’avait pas de nouvelles de son frère  Nono, comme elle le surnommait, depuis la semaine précédant les fêtes de Noël.  Arnaud était parti vivre à Madagascar, six mois auparavant avec une femme malgache qu’il avait épousée. Il avait tout quitté pour se refaire une nouvelle vie, comme il disait !

    Néanmoins depuis son départ, Arnaud avait gardé le contact avec sa famille et avec ses amis, grâce à internet. Ce n’était pas toujours régulier, mais il ne se passait pas une quinzaine de jours sans qu’il ne donne des nouvelles de sa terre d’expatriation.

   En cette matinée de la veille du réveillon de la Saint-Sylvestre, Arnaud ne s’était toujours pas manifesté. Annie trouva cela d’autant plus surprenant, qu’il n’oubliait jamais ces jours de fêtes. Ils étaient pour lui, l’occasion de s’en donner à cœur joie. Peut-être, était-il trop occupé avec ses nouvelles activités dont il avait tant parlé depuis qu’il était à Madagascar  ou bien était-il souffrant ?

    Annie sortit de chez elle, pour aller rendre visite à Gérard, l’ami d’enfance d’Arnaud, avec qui elle allait passer le réveillon du Nouvel An. Dehors, le froid était mordant ; il avait neigé une partie de la nuit et en ce début de matinée, la température frisait les moins cinq degrés, attisée par une bise piquante. D’un pas prudent, pour ne pas glisser sur la neige gelée, elle traversa la place du centre-ville d’Orgelet. Elle frappa à la porte de la maison de Gérard.

    - Salut ! t’es bien matinale, lança Gérard. Entre vite, et laisse le froid dehors.

    - Mireille est levée ?

    - Bien sûr, tu la connais, elle se lève comme les poules, dit-il hilare.

    - On doit aller toutes les deux, faire les courses pour le réveillon, alors il vaut mieux qu’on se rende de bonne heure au marché, dit Annie.

    - T’as raison.

    - Au fait, tu as eu récemment, des nouvelles de mon frangin Nono ?

    - Non, cela fait quinze jours que je ne l’ai pas eu sur Skype.

    - Moi, c’est pareil. Tu ne trouves pas cela un peu bizarre ? demanda Annie.

    - Pas trop ! dit Gérard. Tu sais avec son nouvel environnement, il doit avoir l’esprit et le reste bien occupés, répondit-il en rigolant. Il faut dire que sa petite femme est plutôt mignonne, tu n’es pas de mon avis ? Elle doit bien lui remplir ses journées !

   - Arrête tes conneries, répondit Annie. Tu es jaloux ? Tu voudrais bien être à sa place, hein ?

    - Je t’avoue que le soleil, les cocotiers et les jolies femmes, c’est un programme que j’apprécierais bien pour ma future retraite !

    - Tu rêves un peu trop, s’entendit-il dire par sa femme Mireille qui venait de surgir derrière lui.

   - Tu sais bien que je plaisante, mon chou ! dit Gérard. N’empêche,  je trouve que c’est un petit veinard. Il aura mis longtemps à trouver chaussure à son pied, mais là, il a fait fort !

    - D’accord, répliqua Annie. Il a trouvé une jolie femme, mais cela ne fait pas tout. Et cela ne doit pas l’empêcher de donner de ses nouvelles.

   - Je crois que tu t’inquiètes un peu trop vite, poursuivit Gérard. Tu sais, d’après ce qu’il dit, ce n’est pas la France là-bas ! Même si c’est le paradis, les problèmes de réseau sont fréquents, les coupures d’électricité aussi. Alors ne te fais pas de soucis, tu verras pour le Nouvel An, il va nous faire signe !

    - J’espère, dit Annie.

    - Allez, on y va, lança Mireille.

   Les deux amies sortirent bras dessus, bras dessous, afin de faire leurs emplettes pour le dîner du réveillon.

    Le lendemain soir, comme chaque année depuis plus de dix ans, Annie et son mari Patrick recevaient chez eux, sa plus jeune sœur Corinne avec son copain  Luc, Gérard et Mireille, Michel et Martine pour fêter l’arrivée de la nouvelle année. Michel était un ami de longue date d’Arnaud ; ils s’étaient connus au club de tir à Lons-le-Saunier.

  La neige avait fait de nouveau son offensive, une vingtaine de centimètres recouvrait les routes du village. Corinne, Michel et leurs conjoints, qui habitaient Lons-le-Saunier, étaient venus ensemble avec le 4x4 Toyota de Michel. La neige n’allait pas perturber leur réveillon ; cela ne les empêcherait pas de faire la fête jusqu’à l’aube. Ils dormiraient sur place, Corinne chez Annie, et Michel chez Gérard.

   Cette année, pour la seconde fois, le boute-en-train qu’était Arnaud lors de ces réunions festives, manquait à l’appel. Son absence allait être au cœur de leurs discussions tout au long de la soirée.

    - C’est quand même fou ce qu’il a pu changer, dès qu’il a rencontré cette femme malgache, dit Gérard son ami d’enfance.

    - Ouais, répondit Michel. Les quelques mois où elle a vécu à Orgelet avec lui, Nono ne sortait même plus avec nous, pour boire un coup.

    - Elle lui a tourné la tête cette Sandra ! Moi, je te le dis, ajouta Annie.

    - C’est vrai qu’il ne s’est jamais vraiment attaché à une gonzesse en particulier, dit Gérard. Dès que l’une d’entre elles se montrait trop possessive, il l’envoyait promener, même quand on était ado.

    - Elle a dû l’ensorceler, dit Corinne. J’ai lu qu’à Madagascar, la sorcellerie était très présente.

    - Arrête, dit son copain Luc. Tu y crois toi à ces trucs-là ? C’est des histoires de gonzesses, ça.

    - Balivernes, tout ça. Moi, je te dis qu’il est tombé amoureux de cette femme, dit Patrick.

    - Moi, je crois plutôt que c’est elle qui est tombée amoureuse de son fric, argua Annie.

     - Tu vois tout de suite le mal, répondit Mireille. Moi, je l’ai trouvée sympa, le temps qu’elle a vécu ici. Elle m’a semblé très attachée à Arnaud.

    - Oui, au point de lui faire tout vendre et de retourner dans son pays, avec le magot, dit Annie.

     - Essayons de positiver un peu les potes, dit Michel. Même si je n’ai pas approuvé la décision d’Arnaud de tout plaquer, personne ne l’a forcé. Il faut respecter son choix.

     - C’est vrai, ne lui jetons pas la pierre, ajouta Gérard. Levons nos verres à notre ami et frère et souhaitons-lui beaucoup de bonheur et une grande réussite dans son coin de paradis.

     - Santé ! reprirent-ils tous en cœur.

    L’ambiance était à la bonne humeur et c’était le plus important. Néanmoins en cours de soirée, Annie essaya de contacter son frère sur Skype, mais sa tentative fut vaine. Son portable resta muet également. En cette nuit de Saint-Sylvestre, cela n’avait rien d’anormal, car les réseaux étaient saturés, vu le nombre de personnes qui essayait de se souhaiter la bonne année.

 

    Les jours et les semaines suivantes furent à l’image de la soirée du réveillon. Arnaud ne donnait toujours pas de ses nouvelles, malgré les mails répétitifs d’Annie, lui provoquant toujours  inquiétudes et insomnies.

     À sa grande surprise, fin janvier, Sandra la femme d’Arnaud, répondit à un de ses mails. En quelques mots, elle lui disait que son mari était très occupé par ses affaires, se déplaçant souvent dans des endroits sans Internet ou avec un faible réseau. Il allait très bien et pensait beaucoup à eux.

     Annie retrouva une lueur d’espoir. Son frère se portait bien. Tout de même, il aurait pu répondre lui-même ! Elle en fit part à sa belle-sœur qui dit en avoir fait la remarque à Arnaud. Ces nouvelles  calmèrent un peu ses angoisses.

     Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à penser que tout allait bien pour son frère. Gérard et Michel arrivèrent à admettre que quelque chose d’anormal devait se passer à Madagascar.

 

     À la mi-février, un mail inquiétant vint renforcer leurs craintes. Sandra leur disait que son mari était malade. Il avait été hospitalisé. Comme à Madagascar, dans les hôpitaux, il fallait faire l’avance de tous les soins et des médicaments, elle avait besoin d’argent pour payer tous ces frais. Annie essaya d’en savoir plus, mais Sandra resta évasive sur ce dont il souffrait. C’était suffisamment grave pour susciter un traitement spécial et coûteux. Elle demandait à sa belle-sœur de lui faire parvenir vingt mille euros. Désarçonnée par la demande, Annie lui répondit de but en blanc, qu’elle allait réfléchir au moyen de lui faire parvenir l’argent.

    Il n’était pas question pour elle, de lui envoyer quoi que ce soit. Cela lui semblait curieux, alors qu’Arnaud et elle avaient quitté la France avec un joli magot.

Cette fois-ci, Annie pensa que la situation de son frère était très préoccupante. Elle réunit ses amis afin de prendre une décision : aller à Madagascar pour se rendre compte sur place de ce qu’il se passait réellement. Annie, Luc le compagnon de Corinne, Gérard et Michel ses deux meilleurs amis, seraient du voyage. Ils devaient se libérer de leurs activités respectives pendant quinze jours, ce qu’ils firent sans problème particulier.

     Cela faisait presque deux ans jour pour jour qu’Arnaud avait posé son premier pied à Madagascar, quand ils prirent les billets d’avion. Une fois cette démarche accomplie, ils prétextèrent d’apporter une aide financière, pour informer Sandra de leur venue la dernière semaine du mois de février. Cette dernière parut un peu surprise, mais leur fit savoir qu’elle et Arnaud seraient enchantés de les recevoir.

 

Rapt sous les Tropiques

ISBN ; 978-2-312-04537-5

 

 

Amin, jeune français d’origine karana, se fait kidnapper à Sambava à la sortie d’une discothèque par des malfaiteurs sans scrupules. Le Capitaine Rado, gendarme malgache, de la Brigade de Recherches de Tananarive et le Colonel Martin, Instructeur de la Section Scientifique de la Gendarmerie française, se retrouvent pour mener une enquête aux multiples rebondissements qui va les conduire de Sambava à Tananarive et sur l’île de Nosy Be. Voyous et notables se côtoient dans une intrigue haletante.

Rapt sous les Tropiques : Premier chapitre

I - L’anniversaire

 

 

       Amin avait réuni une dizaine d’amis pour fêter son anniversaire. Vingt ans ! C’était le premier jalon important de sa vie d’homme. Il ne pouvait pas rater l’occasion de leur montrer sa soif de vivre et de profiter de la vie.

      Il faut dire qu’Amin avait plutôt de la chance. Il était né dans une famille aisée de Sambava, dans le nord-est de Madagascar. Après avoir décroché son bac à dix-sept ans, il avait suivi des études supérieures de commerce à Tananarive et venait de décrocher sa licence avec la mention Très Bien, à l’issue de trois années passées dans une fac privée. Pour se ressourcer, avant de préparer son Master, il était venu passer ses vacances scolaires chez ses parents.

       Ceux-ci d’origine indo-pakistanaise, des karana, étaient français ; ils avaient acquis la nationalité française en allant faire leurs études supérieures en France dans la fin des années quatre-vingts. Son père Sawa possédait plusieurs entreprises sur Sambava, dont la principale activité était l’importation de divers produits et matériels. Ces entreprises, héritées de ses grands-parents, leur procuraient une situation plus que confortable. Il faisait partie des quelques milliardaires (en ariary, la monnaie locale) que comptait la communauté karana.

       Les parents d’Amin avaient fait construire une villa à deux niveaux qui reflétait bien leur rang social. Cossue mais pas trop tape-à-l’œil, elle avait été bâtie dans un parc boisé d’un hectare. Des cocotiers, des manguiers et autres arbres fruitiers donnaient de la fraîcheur à la propriété ; une piscine de quinze mètres bordait l’immense varangue qui longeait la maison. Un véritable petit havre de paix et de tranquillité qui dénotait avec l’entourage local constitué de nombreuses cases en tôle.

      La ville de Sambava, alors qu’elle avait connu des heures plus glorieuses grâce à la vanille et au girofle, était sur son déclin. Son enclavement dans le nord-est de l’île était dû à l’état catastrophique de la route qui reliait Ambilobe et Vohémar. D’ailleurs, pouvait-on encore appeler cela une route, quand ce n'était même plus une piste !, alors que des portions se transformaient en rivière ou en lac pendant la saison des pluies. La ville se repliait petit à petit sur elle-même et vivait de l’économie locale. Elle avait cependant besoin de produits de première nécessité et de matériaux qui venaient de la capitale ou de l’étranger. Le père d’Amin en faisait le négoce d’une fort belle manière.

 

        Amin avait convié ses amis à le retrouver vers dix-huit heures trente, au restaurant de l’hôtel Orchidea Beach, en bord de plage à Sambava-centre. Sa cousine éloignée Samia était la seule jeune femme à se joindre à eux au restaurant. Il lui vouait une affection toute particulière.

        - Tu as invité qui ? lui demanda-t-elle, alors qu’ils s’installaient dans le 4x4 flambant neuf.

        - Dani, bien sûr, Mounir, Houssen et mes autres potes d’école, tu verras bien tout à l’heure. De toute façon tu les connais tous, dit Amin en faisant démarrer le Hummer H3.

        - Et ton père t’a laissé prendre son dernier joujou ?

        - Ça n’a pas été facile de le décider, mais il a quand même accepté, dit Amin.

 

         Il faut dire que les parents d’Amin possédaient plusieurs véhicules à titre personnel : un 4x4 Toyota SX V8, un Toyota Hi-Lux pick-up double cabine, une Citroën DS5 et une Citroën DS3. De plus, ils avaient un parc d’une dizaine de véhicules qu’ils proposaient à la location avec chauffeur. Mais dernièrement son père Sawa s’était offert ce 4x4 Hummer, objet de tous les désirs. Ce n’était pas pour écraser ses compatriotes de sa suprématie financière, c’était plutôt comme un rêve de gosse ! Sa femme Yasmine lui avait suffisamment reproché cet achat qu’elle jugeait inconsidéré, mais qu’importe ! C’était son plaisir.

        - Tu t’exposes trop, lui avait-elle dit.

       - T’inquiètes, c’est calme dans notre région. Et puis, ça sert à quoi l’argent sinon à s’offrir ce dont on a envie. Tu ne crois pas ?

        - Je sais, mais tout de même !

        - Lors de notre prochain voyage à Paris, je t’offrirai un joli collier serti de diamants, continua Sawa.

        - Tu es complètement fou ! avait ajouté Yasmine.

        Amin et Samia roulaient en direction de l’Hôtel Orchidea Beach, avec toute l’attention que requérait la circulation sur cette petite route bordée de boutiques et d’étals, surtout en arrivant dans le quartier d’Ambodisatrana. La nuit commençait à tomber et à tout moment pouvait surgir un engin motorisé non éclairé ou un piéton peu préoccupé par la circulation. Et puis, ici encore plus qu’à Tananarive, les automobilistes se souciaient peu des autres, pensant être seuls sur la route. La prudence était donc de mise.

 

       Un peu avant dix-neuf heures, Amin gara le Hummer sur le parking du restaurant, face à la plage. En cette soirée de fin septembre, l’air était encore chaud, malgré la légère brise marine qui soufflait.

       - Dis donc, tu as fait fort mon pote, lâcha Dani qui était déjà arrivé. T’as gagné à la loterie ou quoi ?

        -Arrête tes conneries, c’est la voiture de mon père. Les autres sont arrivés, demanda Amin ?

         - Oui, ils sont sur les bancs en bord de plage, là-bas. Non, mais sérieux, ton paternel s’est acheté un Hummer, s’étonna Dani ?

         - Oui, et alors ?

         - Ça vaut une petite fortune, et il te l’a prêté ? T’es veinard, toi.

        - Bon, on ne va pas s’éterniser sur une bagnole, dit Samia. On va retrouver les autres.

       Ils rejoignirent le reste de l’équipe qui prenait le frais sous les arbres, face à la mer qui déroulait ses vagues. Après avoir salué ses amis, Amin s’assit un moment. Il aimait l’odeur transportée par la brise marine et le bruissement des vagues sur le sable fin de la plage. Cela le changeait totalement du brouhaha et de la pollution malsaine de la capitale. C’était sa façon à lui de se ré-oxygéner. Il aimait revenir à la source et aux bienfaits de sa terre natale qui lui permettaient de trouver son équilibre.

        Amin, Samia et leurs amis regagnèrent la salle de restaurant où une table pour douze personnes avait été dressée. Le chef cuisinier leur avait concocté un repas à base de langoustes et de fruits de mer, le tout accompagné de vin blanc et de vin rouge de Bordeaux.

       La conversation pendant le repas tourna autour des études plus ou moins réussies des uns et des autres, Amin en étant le centre d’intérêt.

        Le repas se termina vers vingt-deux heures trente, par un immense gâteau à la crème arrosé bien sûr par du Champagne. Le repas ayant été une réussite et fort apprécié par tous, il fut temps de regagner la Discothèque qui n’était pas très loin du restaurant. Cinq  jeunes femmes, amies d’une partie des convives, les attendaient à l’entrée. Elles se joignirent à eux.  La petite bande s’installa autour des tables qu’ils avaient réservées au bord de la piste de danse, face à la cabine du DJ.

          Amin commanda deux bouteilles de champagne et des boissons gazeuses. Au cours du repas, il n’avait pratiquement pas bu d’alcool et comptait bien poursuivre sa ligne de conduite pendant le reste de la soirée.

         Le DJ avait l’art d’enflammer les soirées surtout quand on lui avait gentiment glissé une dizaine de billets de dix mille ariary. Une grande partie de la soirée fut en l’honneur de l’anniversaire d’Amin qui appréciait cette attention particulière. Les amis alternèrent les danses modernes et les danses malgaches dans une liesse communicative. L’ambiance était chaude. Les boissons coulaient à flots. Si certains commençaient à être un peu euphoriques, Amin était resté raisonnable sur la boisson, car il devait ramener à la maison le 4x4 que son père lui avait confié.

           Il était un peu plus de deux heures trente du matin quand il décida de rentrer, pris par un coup de fatigue. Seul Awad avait décidé d’en faire autant. Amin le déposerait en passant au rond-point d’Ambodisatrana, près de chez lui. Son meilleur ami Dani avait décidé, avec  sa cousine Samia et les autres, de poursuivre les festivités jusqu’à l’aube.

         Après avoir pris congé de ses amis, Amin regagna son véhicule qui se trouvait devant la discothèque. Il avait beaucoup apprécié cette soirée où tout s’était bien déroulé. Ses amis s’étaient montrés affables, aussi ne leur avait-il rien refusé.

            Amin tourna la clé de contact du Hummer ; son moteur 5 cylindres de 3.7l se mit à ronronner. En compagnie d’Awad, il démarra doucement sous le regard ébahi des vigiles qui sécurisaient les alentours de la discothèque. Il fit demi-tour et prit la direction de son domicile.

          Dani était sorti saluer ses amis. Une fois ceux-ci partis, il décrocha son iphone.

        -  L’oiseau a quitté sa cage, vous allez bientôt le voir apparaître, dit-il.

        - Ok ! Surtout reste bien le plus longtemps possible dans la discothèque, lui répondit son interlocuteur.

       Dani rejoignit les autres membres du groupe à l’intérieur et poursuivit sa soirée endiablée.

          Amin s’arrêta comme convenu, au rond-point d’Ambodisatrana, pour y déposer son ami Awad qui regagna son domicile.

          - Bonne nuit. Je t’appelle demain.

           - Bonne nuit à toi aussi, répondit Awad, et merci encore pour cette superbe soirée.

          Dans la nuit noire et tiède, Amin repartit en direction de l’aéroport qu’il longea sans croiser âme qui-vive. Il était à peine trois heures du matin quand il s’engagea dans le chemin qui menait à la propriété de ses parents. À peine avait-il fait cinq cents mètres que dans les phares du Hummer il vit surgir face à lui un 4x4 tous feux éteints. Instinctivement, il s’arrêta net.

          - Tu vas te pousser de là ! s’entendit-il dire surpris.

         D’un autre réflexe, il enclencha la marche arrière pour tenter de s’écarter et de laisser passer le véhicule. Mais en se retournant, il aperçut un autre véhicule qui le bloquait. Il eut à peine le temps de réfléchir et de se poser la question de ce qui lui arrivait, que six hommes vêtus de treillis militaires, cagoulés, gantés et armés jusqu’aux dents encerclèrent le Hummer.

         La sécurité des portières étant enclenchée, les assaillants ne purent les ouvrir. Amin dans un instinct de survie appuya sur le klaxon, lorsqu’il sentit la vitre de sa portière voler en éclat. Un violent coup de crosse de kalachnikov en avait eu raison.

          - Qu’est-ce que vous me voulez, je n’ai pas d’argent, cria Amin.

         - Ta gueule ! lança un des assaillants. Allez, grouillez-vous, chargez-le dans le 4x4, mettez le sien en travers de la route et jetez les clés le plus loin possible, ordonna l’homme aux autres.

         Amin se sentit happé par des mains robustes et déterminées. On lui mit une cagoule sur la tête et après lui avoir attaché les mains dans le dos, on le jeta comme un vulgaire sac de riz sur la banquette arrière du 4x4 qui se trouvait derrière le Hummer. Une fois son véhicule mis en travers du chemin pour en obstruer le passage, les deux 4x4 et leurs occupants partirent en trombe tous feux éteints. La scène n’avait pas duré plus de trois minutes.

         Un moment, Amin avait espéré que son coup de klaxon allait interpeller les gardiens et réveiller ses parents, mais la maison se trouvait trop loin, à plus d’un kilomètre. Il comprit alors qu’il venait d’être victime d’un kidnapping.

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MES ROMANS

Quelques photos : Bon voyage !

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